Lettre ouverte à tous les chefs des partis

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Cette lettre a été publiée dans Le Devoir le 26 septembre 2015

Le monde a changé, mais nos valeurs sont restées les mêmes

Le Canada est fier de sa tradition humanitaire. 

Notre pays a mené la création d’une force de maintien de la paix de l’ONU, laquelle a joué un rôle fondamental dans la promotion de la paix et de la sécurité à l’échelle internationale.

Nous avons contribué à l’établissement de la Cour pénale internationale afin que les auteurs de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité soient traduits en justice.

Notre pays a aussi reçu la Médaille Nansen pour son intervention auprès des réfugiés vietnamiens et pour ses contributions à la cause des réfugiés partout dans le monde.

Nous avons lancé l’Initiative de Muskoka pour la santé maternelle, néonatale et infantile afin de mettre un terme à la mort évitable de mères et d’enfants.

Aujourd’hui, après la mort du petit Alan Kurdi, nous devons réaffirmer nos valeurs sur la scène mondiale.

La situation actuelle nous ramène en 1984 alors que les terribles images de famine en Éthiopie ont incité le Canada à exiger à l’ONU un « effort herculéen de la part de tous les États membres. » Ce leadership canadien a mené à la plus importante opération de secours humanitaire de l’histoire jusqu’à ce jour, sauvant de la famine une population estimée à 7 millions de personnes en Éthiopie et à 22 millions dans les pays voisins.

Les parallèles sont frappants. En 1984, l’Éthiopie représentait un État paria aux prises avec une crise humanitaire, en pleine guerre froide. Aujourd’hui, au cœur de la tempête au Moyen-Orient, 12 millions de Syriennes et de Syriens sont déplacés.  

Le monde a changé, mais nos valeurs sont restées les mêmes.

La vague d’inquiétude et de soutien soulevée par les Canadiennes et Canadiens à l’égard des réfugiés syriens doit se refléter dans l’ambition de leurs chefs.

Le débat sur la politique étrangère cette semaine est l’occasion pour les candidats d’articuler une vision et de réaffirmer le rôle et la réputation du Canada en tant que leader humanitaire dans le monde.

Le Canada s’est engagé à verser un montant équivalent aux dons canadiens pour la crise syrienne – jusqu’à hauteur de 100 millions $ –, en plus de ses engagements antérieurs. Mondialement, l’opération de secours n’a même pas amassé la moitié du financement requis. La communauté internationale doit veiller à ce qu’un financement suffisant, fiable et flexible soit assuré. Cependant, si les opérations humanitaires doivent être financées, il faut aussi s’attaquer aux racines de la crise, et le Canada a un rôle charnière à jouer.

Nous pouvons commencer par :

·         exiger la fin des abus à l’encontre des femmes et des enfants, y compris le viol en tant qu’arme de guerre et le recrutement d’enfants soldats ;

·         insister pour que tous les partis respectent les lois internationales, cessent les attaques contre les écoles et les hôpitaux, et mettent fin à l’utilisation d’armes explosives dans des régions densément peuplées ;

·         assurer une nette distinction entre les interventions militaires et humanitaires du Canada afin d’assurer la sécurité des travailleurs humanitaires ;

·         faire pression pour obtenir une pleine conformité aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU en exigeant un accès humanitaire sans entraves ;

·         redémarrer un effort mondial pour mettre la protection des civils dans les conflits armés à l’ordre du jour ;

·         contribuer aux efforts mondiaux afin d’apporter une solution politique qui mettra un terme au conflit ;

·         augmenter le nombre de réfugiés et faciliter leur réinstallation au sein de nos frontières.

Il est temps que le Canada soit à la hauteur du meilleur de ses traditions. Voyons si nos chefs sont d’accord.