Une jeune femme dans un camp de déplacés à l’extérieur de Juba, la capitale du Soudan du Sud. Photo: Renaud Philippe

Le Soudan du Sud vu à travers des yeux d’un photojournaliste

« Quand la famine a été déclarée au Soudan du Sud, en février, j’ai ressenti une pulsion : je devais absolument m’y rendre, comme si je n’avais pas le choix d’y être. La première fois que j’ai ressenti cette sensation, c’était lors du tremblement de terre en Haïti en 2010. Il ne s’agit pas seulement d’y aller, mais d’y être. La photographie a cette force; c’est un médium profondément humaniste. Elle permet de faire réagir, d’impliquer personnellement ceux qui la regardent. »

Le photojournaliste québécois Renaud Philippe s’est rendu au Soudan du Sud en mai 2017 pour témoigner de la situation dans ce pays déchiré par la guerre et la sécheresse. Grâce au soutien sur le terrain des organismes membres de la Coalition Humanitaire, Renaud a été en mesure de se rendre dans les endroits les plus touchés par cette crise. Ses images et histoires mettent en valeur la résilience de ces gens qui, dans une telle situation, ont été poussés dans leurs derniers retranchements. Voici un aperçu de ses images et expériences.

« Quand la famine a été déclarée au Soudan du Sud, en février, j’ai ressenti une pulsion : je devais absolument m’y rendre, comme si je n’avais pas le choix d’y être. La première fois que j’ai ressenti cette sensation, c’était lors du tremblement de terre en Haïti en 2010. Il ne s’agit pas seulement d’y aller, mais d’y être. La photographie a cette force; c’est un médium profondément humaniste. Elle permet de faire réagir, d’impliquer personnellement ceux qui la regardent. »

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Nyakuig Kuong a fui les combats près de Leer pour se rendre à Nyal avec ses 6 enfants âgés de 1 à 15 ans.
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Nyariem Both et son fils Machar ont parcouru 10 km depuis Liengiere pour se rendre à la clinique de lutte contre la malnutrition de Mankien, administrée par l’ONG CARE. Machar a 6 mois et pèse à peine plus que 4 kg (10 lb).
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Une jeune fille se repose sur un sac, une partie des 378 tonnes de nourriture destinées à plus de 25 000 personnes à Mankien, un village de l’État du Unity, un des deux états où la famine a été déclarée en février.
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Assise sur un sac en toile de jute, une mère tient la main de son enfant en attendant leur ration alimentaire à Mankien.

« À travers mes images, je cherche à refléter l’atmosphère, l’ambiance sur le terrain. La photo peut aider les gens qui n’y sont pas à comprendre et à vivre ces situations par procuration. La photo est un art intime. Je me laisse guider par ce que je vois, et c’est la rencontre et la relation qui s’ensuivent qui font la photo. La photo n’organise pas la rencontre, c’est l’inverse. Il faut rester ouvert, être proche des gens. C’est ça ma volonté. Tout le monde a son histoire ; la photo permet de capter quelque chose de sensible et de personnel… et de réel. Les besoins des Sud-Soudanais sont criants. La grande majorité de la population est dépendante de l’aide humanitaire. Je pense au Népal, à Haïti. Oui, il y avait beaucoup de gens dans le besoin, mais au Soudan du Sud, c’est le pays entier. Les gens manquent de l’essentiel. Sans une intervention humanitaire internationale, il n’y aurait pas grand-chose. »

« Le sentiment d’insécurité est omniprésent. Les femmes qui sortent des camps de protection, pour trouver de la nourriture ou des combustibles, sont toujours inquiètes. Elles vivent dans la crainte permanente. Ce sera ainsi tant que sévira la guerre. »

« La première chose dont on parle, au Soudan du Sud, ce n’est pas de la crise, mais de la complexité logistique. Et après avoir voyagé dans le pays, on comprend pourquoi c’est si complexe. J’ai eu beaucoup de contacts avec des journalistes et photographes qui se sont fait renvoyer du pays ou n’ont simplement pas pu y entrer. Le seul fait d’y être est pratiquement un exploit. Beaucoup de démarches pour pouvoir travailler... Et c’est grâce au soutien local, des membres de la Coalition Humanitaire sur le terrain, que j’ai pu témoigner de la situation. »

« Il est impossible de regarder ces enfants sans se mettre dans la peau de leurs parents. Je suis père de deux enfants. On ne peut presque pas imaginer ce qu’ils vivent. Être parent, c’est un langage universel. »

Photos: Renaud Phillippe